Les conditions générales, un outil marketing !

En modifiant ses conditions générales d’utilisation, Facebook a provoqué un tel tumulte qu’il a finalement préféré faire marche arrière. Une histoire qui montre que les conditions générales ne sont pas seulement un instrument juridique. Il s’agit aussi d’un outil marketing… et pas seulement pour les sites communautaires.

Le rôle des juristes est de protéger ceux au profit de qui les conditions générales sont écrites : sécurisation du business model, anticipation des risques liés au comportement du client, prévention des difficultés d’interprétation, etc. Par habitude, ou par coquetterie, les juristes – faut-il les en blâmer ? – rédigent des documents souvent longs, au vocabulaire parfois abscons… et qui en général ne sont pas lus ! Une étude montre que si tous les internautes américains lisaient toutes les chartes de confidentialité de tous les sites qu’ils visitent, cela représenterait 44 milliards d’heures par an (1).

Il suffit pourtant que les conditions générales soient lues par une seule personne pour que leurs fondations tremblent ! Quand Facebook a changé ses Terms of Use à la mi-février, un court billet sur le blog The Consumerist (2) a suffi, de façon virale, à faire comprendre aux utilisateurs les conséquences de cette évolution du contrat. La mèche allumée a fini par faire exploser les conditions générales, Facebook  s’étant senti contraint de revenir aux précédentes.
La société a tiré de ce tohu-bohu un premier enseignement : comme l’a indiqué Mark Zuckerberg, ses prochaines CGU « will be written clearly in language everyone can understand » (3). Mais le DG de Facebook ne s’arrête pas là : il a aussi annoncé que les conditions générales devront désormais refléter les principes auxquels est attachée la communauté des utilisateurs, et devenir un « governing document ». Bigre ! On basculerait donc de simples conditions générales à quelque chose qui s’apparente à une Constitution ?

Ce mouvement est révélateur de l’importance que prennent les conditions générales dans la relation client. Les personnes qui passent une partie de leur vie sociale sur des plateformes communautaires s’attendent à être régies autrement que par un contrat de vente ou d’abonnement. Certaines entreprises qui gèrent des mondes virtuels l’ont déjà compris.

Les conditions générales doivent donc aussi être travaillées pour soutenir la démarche marketing d’un site (4). Pourquoi fabriquer un discours commercial clair et direct, si c’est pour le terminer par un jargon contractuel impersonnel ? A la structure classique d’un contrat et aux clauses de style on peut préférer des conditions générales agréables à lire parce que pédagogiques (explications de la démarche, choix des titres, des termes utilisés, etc.), s’adressant directement à celui qui les accepte dans un langage accessible… et pourquoi pas avec humour ! (5)
Cela ne s’inscrit peut-être pas dans la tradition juridique, mais présente aussi un autre avantage : permettre au professionnel doté de telles conditions générales de remplir son obligation d’information… celle-là même qu’un juge peut être amené à apprécier. A cet égard, les ruptures de style, les icônes, ou les mises en exergue, pourront être très utiles : par exemple, dès lors que l’on active les fonctions avancées de certains services de Google, touchant à la protection de la vie privée, s’affiche cette mise en garde : “Please read this carefully, it’s not the usual yada yada” (6). Même écrite en anglais, la formule reste plus compréhensible que le gobbledygook !

On sait à quel point la confiance est essentielle pour le développement des activités numériques. La forme et le fond des conditions contractuelles participent de cette confiance. Plutôt que d’être le passage obligé de relations qui se nouent, les conditions générales peuvent les refléter, les colorer, et pourquoi pas les illuminer !

(1) A. McDonald & L. Cranor, The cost of reading privacy policies, septembre 2008
(2) C. Walters, Facebook’s New Terms Of Service: “We Can Do Anything We Want With Your Content. Forever.”, The Consumerist, 15 février 2009
(3) M. Zuckerberg, Update on Terms, The Facebook blog, 17 février 2009
(4) Vincent Gautrais va même plus loin, qui écrit que « le contrat fait partie du processus marketing de l’entreprise » (Contrat Facebook : nous vivons une époque formidable, 19 février 2008)
(5) Sur ce dernier point, les conditions générales d’Oyoyo.fr sont exemplaires, et méritent le détour !
(6) L’exemple est donné par M. Stibbe, Writing as branding, BadLanguage, 1er avril 2008. Le Global Privacy Counsel de Google, Peter Fleischer, justifie cette démarche ainsi : “Like our search engine, we want our privacy policies to be simple and easy to understand” (Pour vivre heureux, vivons cachés, Privacy, 24 avril 2007)