Il faut raison (re)garder

Il faut raison (re)garder

Une image vaut mille mots. Cette chronique n’en compte que 392 pour évoquer la nécessité de protéger l’activité des moteurs de recherche d’images.

Les services de recherche d’images en ligne sont très utiles au quotidien. Les images permettent notamment à l’enseignant d’expliquer, ou au chercheur d’illustrer. Les utilisations qu’ils en feront images dans le cadre de leur profession est d’ailleurs couverte par une exception au droit d’auteur, comme si le législateur avait indirectement reconnu l’importance de l’usage public d’images.

L’histoire des services de recherche d’images en ligne est encore brève, mais elle est déjà jalonnée de contentieux. Dès le début des années 2000, un photographe avait attaqué la société Arriba Soft, éditrice du moteur de recherche « ditto.com » qui indexait ses photographies : pour les besoins de ses activités… et ceux des internautes, la société représentait en petit format les travaux du plaignant. Il fut jugé en 2003 que l’importance sociale de la représentation d’images devait prévaloir sur l’atteinte éventuelle au droit d’auteur – une opinion réitérée dans une affaire Perfect 10 quatre ans plus tard.

Ces décisions furent prononcées aux Etats-Unis, où la doctrine du fair use permet d’assurer l’équilibre entre les usages publics des œuvres et la défense des intérêts privés des ayants droit. Dans une affaire tranchée en 2008 en France, une juridiction parisienne a estimé que cette règle américaine était celle qui devait s’appliquer pour apprécier l’activité de Google Images, prestée depuis la Californie.

Ce que la Société des Auteurs des Arts Visuels et de l’Image Fixe, qui compte parmi ses sociétaires d’illustres artistes photographes, ne put ainsi faire interdire, un photographe isolé l’a obtenu quelques mois plus tard ! Toujours à Paris, il a été jugé à sa demande que l’apparition de la miniature d’une photo de Patrick Bruel à l’adresse images.google.fr violait les droits d’auteur de celui qui l’avait prise.

Refléter le monde, ce serait donc le contrefaire, si l’on suit ce juge. Son opinion n’est heureusement pas partagée en Europe : fin avril 2010, la cour suprême allemande a estimé que le même service Google Images n’enfreint pas les règles de la propriété intellectuelle (notant au passage que, si l’on choisit de mettre en ligne des fichiers contenant des images, il est contradictoire de vouloir empêcher que celles-ci soient vues).

Il fallut plus d’un siècle aux iconodoules pour parvenir à mettre fin à la prohibition des images religieuses, que les iconoclastes faisaient détruire. Espérons que la discorde moderne relative aux images électroniques se termine en une décennie !

[à paraître dans Documentaliste - Sciences de l’Information, 2010/2]