Rendre obligatoire une tentative de conciliation extrajudiciaire est conforme au droit communautaire

L’autorité garante des communications en Italie a adopté un règlement concernant la résolution des litiges entre opérateurs de communications et leurs utilisateurs. Ce texte prévoit qu’un recours juridictionnel ne peut être introduit tant qu’une tentative obligatoire de conciliation n’a pas été engagée devant la Commission Régionale pour les Communications qui est territorialement compétente.
Sur l’île d’Ischia, au large de Naples, des utilisateurs se plaignaient de leurs opérateurs respectifs… mais sans pouvoir saisir cette Commission, qui n’avait pas été établie dans la région de Campanie à l’époque des faits.
Possibilité leur était offerte par le règlement d’engager la tentative obligatoire de conciliation, “même par voie télématique, devant les organes de résolution extrajudiciaire des litiges en matière de consommation“, ou de s’adresser “aux organismes chargés par accord entre les opérateurs et les associations de consommateurs représentatives au niveau national, pour autant que ces organismes interviennent à titre gratuit et respectent les principes de transparence, d’équité et d’efficacité énoncés dans la recommandation 2001/310/CE“.

Saisi par ces utilisateurs, le juge de paix d’Ischia a observé qu’aucune vérification concernant la conformité desdits organismes par rapport aux principes figurant dans la recommandation 2001/310 n’aurait été réalisée. Se posait notamment la question de la gratuité de la procédure de conciliation, de sa facilité, ou du caractère adapté des frais engendrés
En outre, le juge s’est interrogé sur le caractère obligatoire de la conciliation, qui peut être un obstacle à l’exercice des droits des utilisateurs - soulignant le fait que cette conciliation devrait nécessairement être effectuée par voie électronique.
Le Giudice di pace di Ischia a sursis à statuer, et demandé à la C.J.U.E. si ce dispositif était ou non respectueux des droits de la défense garantis par divers textes.

La Cour a estimé (aff. C-317/08, C-318/08, C-319/08 et C-320/08, 18 mars 2010), que le fait que la réglementation critiquée, “non seulement ait mis en place une procédure de conciliation extrajudiciaire, mais, de surcroît, ait rendu obligatoire le recours à celle-ci, préalablement à la saisine d’un organe juridictionnel, n’est pas de nature à compromettre la réalisation de l’objectif” assigné aux Etats par la directive “service universel” d’instaurer des procédures extrajudiciaires pour régler des litiges non résolus auxquels sont parties des consommateurs et qui concernent des questions relevant de ladite directive.
Elle estime en outre que la tentative obligatoire de conciliation permet d’assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. L’exigence d’équivalence est donc remplie.

En ce qui concerne l’exercice du droit d’agir par voie électronique par les personnes ne disposant pas d’un accès à internet, la Cour invite la juridiction de renvoi à vérifier si cette modalité peut avoir pour effet de rendre la procédure impossible ou excessivement difficile pour les personnes concernées. En tout état de cause, elle estime que si la voie électronique ne constitue pas l’unique moyen d’accès à la procédure de conciliation, le principe d’effectivité est respecté.

Une loi nationale peut donc rendre obligatoire un mécanisme extrajudiciaire de résolution de litiges avec des consommateurs. Toutefois, la mise en oeuvre de ce mécanisme doit être de nature à permettre la protection effective de leurs droits.

Cédric Manara
Professeur associé, EDHEC Business School